Introduction

Le brochet est une espèce piscicole emblématique des cours d’eau calmes et des plans d’eau. Sa morphologie lui autorise des vitesses de nage remarquables, faisant de lui un super-prédateur, une espèce « clé de voute », permettant une bonne régulation dans la structuration du réseau trophique.

Autrefois bien présent en France, le brochet est aujourd’hui classé comme vulnérable sur la liste rouge des espèces en danger (UICN France et al, 2010). La cause principale est anthropique, par la dégradation du milieu qu’il occupe et notamment ses zones de reproduction, avec la mise en place d’aménagements modifiant la morphologie naturelle des cours d’eau (endiguement, cloisonnement, assèchement des zones humides par drainage, écrêtement des crues…).

Ses exigences sont telles pour réaliser son cycle biologique que lorsqu’une population est stable cela indique un écosystème fonctionnel. À travers son cycle biologique, il reflète le fonctionnement des hydrosystèmes fluviaux des cours d’eau de 2nd catégorie, représentant sur le département du Nord plus de 450 km de cours d’eau. On le considère donc comme une espèce dite repère pour les cours d’eau principalement composés de cyprinidés.

Frayères à brochets : Le cycle biologique de ce carnassier

Le brochet est une espèce dite phytophile, c’est-à-dire qu’il utilise les végétaux comme support de ponte. Le brochet va réaliser une migration transversale allant jusqu’à plusieurs kilomètres afin de rejoindre les annexes hydrauliques essentielles pour réaliser l’intégralité de son cycle biologique. Il repère les sites en février par la présence d’un gradient thermique entre le bras principal et les annexes et par les effluves provenant des transformations organiques dues à l’inondation des zones en lit majeur. La période de fraie se réalise de fin février à mi-avril, avec une température comprise entre 7 et 10°C.

La femelle fractionne la ponte en petites quantités d’ovocytes dispersées qui se fixent sur les végétaux submergés de types herbiers amphibies (carex, phalaris, glycérie, agrostis) et aquatiques immergés (myriophylle, callitriche) sur une période de 2 à 5 jours. Dans un second temps les mâles viennent féconder les œufs après l’expulsion.

Ensuite les géniteurs quittent la zone de reproduction. Les œufs sont incubés pendant une période de 120 degrés/jours. Les larves se fixent sur les végétaux par des papilles buccales. Lors de la résorption de la vésicule, au bout de 180 degrés/jours, les alevins deviennent nageants. Ils vont alors se nourrir de zooplancton et effectuer une migration vers les zones de nurserie pour croître. Les juvéniles 0+ migrent ensuite vers une zone de croissance pour devenir subadultes. Il faut donc que l’annexe hydraulique soit connectée au bras principal et en eau au bon moment pour permettre aux géniteurs de rejoindre les sites de fraies ainsi qu’aux juvéniles de retourner vers les habitats de grossissement. Les eaux au sein des frayères doivent être stables durant 40 à 60 jours afin que les brochetons terminent au mieux leur première phase de croissance pour atteindre 6 à 8 cm de longueur. Une fois cette taille attente, les subadultes rejoignent le lit mineur du cours d’eau pour entamer une seconde phase de croissance jusqu’à atteindre une taille adulte.

Qu'est-ce qu' une annexe hydraulique ?

Les annexes hydrauliques où également appelées annexes fluviales, sont des zones d’eau situées dans le lit majeur de la rivière c’est-à-dire dans le champ d’expansion naturel des crues.

Elles peuvent être définies comme « l’ensemble des zones humides du lit majeur en relation permanente ou temporaire avec le milieu courant par des connexions soit superficielles, soit souterraines ». Il peut ainsi s’agir des bras secondaires, des bras morts, des mares, des marais inondés voire, si l’on donne à cette définition une acceptation large, les prairies inondables ainsi que les gravières et sablières.

Ces milieux ont la particularité d’avoir des surfaces et des hauteurs d’eau dépendantes de l’hydrologie du cours d’eau. C’est la raison pour laquelle ont les qualifies régulièrement de Milieux Temporairement Immergés (MTI) du fait des variations saisonnières du débit du cours d’eau.

Photo d'un brochet en subaquatique

Caractéristiques des frayères à brochets

Les zones de fraies du brochet possèdent des caractéristiques particulières :

  • Berges en pente douce végétalisées (support de ponte).
  • Végétation principalement amphibie et dense.
  • Accès à la lumière permanente : faible turbidité, faible ombrage, permettant une augmentation rapide de la température pour la croissance des juvéniles et du plancton.
  • Connexion avec le bras principal du cours d’eau permettant la migration des géniteurs vers les zones de fraie, puis aux juvéniles pendant leur croissance.
  • Faible profondeur : entre 0,2 et 1 m sur au minimum 40 jours consécutifs entre février et début mars, et une faible vitesse de courant.

 

La préservation (ici par le biais de frayères à brochets) et la restauration de ces milieux constituent des enjeux d’autant plus forts qu’ils sont généralement caractérisés par une richesse faunistique et floristique exceptionnelle. En d’autres termes, la protection des milieux de vie du brochet est favorable à la sauvegarde d’un ensemble d’espèces (poissons, batraciens, invertébrés, plantes, oiseaux, etc.). On parle alors d’espèce « parapluie ».

En conclusion

Depuis quelques années maintenant, la Fédération de pêche du Nord et ses partenaires techniques restaurent des annexes hydrauliques afin de les rendre les plus favorables possibles pour la reproduction d’un ensemble d’espèces piscicoles et notamment le brochet.

22 frayères à brochets ont été restaurées sur l’ensemble du département du Nord.

Certaines de ces frayères à brochets aménagées possèdent une vanne permettant de réguler les entrées et les sorties d’eau à l’intérieur de celle-ci (photo ci-contre)

Ainsi, la Fédération coordonne l’ouverture et la fermeture des vannes en fonction des niveaux d’eau et du cycle biologique du brochet. La vanne est ouverte en période hivernale, pour permettre une montée des eaux à l’intérieur de la frayère et l’entrée des géniteurs en quettent de zones favorables pour leur reproduction. La vanne est ensuite fermée entre mi-mars et mi-mai afin de conserver une hauteur d’eau suffisante pour le développement des juvéniles. La vanne est ensuite réouverte autour du 15 mai pour permettre aux brochetons un retour au cours d’eau principal afin de poursuivre leur croissance.