Etude du taux de survie des œufs de truite fario en milieu naturel

Début décembre 2021, la Fédération de pêche du Nord a débuté une étude afin d’évaluer le taux de survie dans le milieu naturel d’œufs de truites fario sur les rivières Selle et Solre. La survie des œufs et des larves est la phase la plus délicate pour l’espèce et est le point limitant pour la survie de l’espèce, expliquant parfois le décalage entre une bonne reproduction (observation des nids de ponte) et le recrutement effectif (truitelles de l’année).

Pour ce faire, des œufs fécondés du jour ont été récupéré à la pisciculture de Voulpaix qui nous les a offerts gracieusement. Nous les en remercions. Ces œufs ont ensuite été disposé dans des boites Viberts modifiées à l’aide d’un point de colle au niveau des fentes afin d’empêcher les larves de sortir de la boite, tout en assurant une percolation de l’eau à travers la boîte et donc une bonne oxygénation de ces derniers. Ces boites ont été disposées dans les radiers sur des secteurs propices à la reproduction de l’espèce.

Au total, 70 boites viberts contenant environ 200 œufs de truites fario ont été disposées sur ces 2 cours d’eau, soit 46 boîtes sur la Selle et 24 boîtes sur la Solre.

Sept boites ont été disposés à l’ésociculture de la Fédération comme boites témoins, dans des conditions d’incubation optimales.

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Influence du colmatage sur le taux de survie

Une fois la période d’incubation d’environ 400 degrés-jours (40 jours à 10°C ou 80 à 5°C) passée, les boites seront récupérées afin de comptabiliser le nombre d’œufs de truite fario vivants et le nombre d’œufs morts de manière à calculer un taux de survie.

Cette donnée, couplé aux données d’inventaires par pêches électriques réalisées sur ces linéaires aura pour but d’évaluer l’influence de différents paramètres (colmatage, occupation du sol, surface drainée…) sur la survie des œufs de truites fario. L’objectif étant de comprendre et de mettre en évidence les pressions du bassin versant qui continuent à limiter la survie de cette espèce dans nos cours d’eau.

Des efforts conséquents ont été réalisés par les AAPPMA et les pêcheurs sur ces bassins, avec des mesures fortes (No-Kill) pour préserver l’espèce, efforts qui ont largement porté leurs fruits, cependant nous nous rendons compte que nous sommes toujours dépendants d’autres facteurs que nous ne maitrisons pas et qui peuvent réduire ces efforts à néant.

Clap de fin pour l’étude du taux de survie des œufs de truite fario en milieu naturel !

Les boîtes récupérées sur la Selle le 27 et 28 janvier 2022 révèlent un taux de survie catastrophique. Le colmatage est très important, et de nature très fin (sable, vase) contrairement à la Solre où le colmatage est plus grossier (voir les photos ci-dessous). Aucun œuf viable n’a été retrouvé sur le cours d’eau principal de la Selle, seul le Richemont fourni une agréable surprise avec un taux de survie de 40%.

Boites récupérées sur la Selle et la Solre – 2022

Sur la Solre, le taux de survie est peu réjouissant également avec à peine 1% de survie. Les affluents semblent les plus propices au bon développement des œufs avec un taux de survie moyen de 4% sur le ruisseau de l’Ecrevisse, et de presque 2% sur le ruisseau du Stordoir, mais ces résultats demeurent particulièrement faibles.

A l’ésociculture, malgré l’absence de colmatage des œufs dans les boîtes témoins, le taux de survie est nul. Les raisons peuvent être multiples, mais il a été observé un développement biologique (surement un champignon). Un œuf mort se décomposant peut contaminer ceux aux alentours.

En conclusion

L’étude a mis en lumière certains biais liés à la méthodologie. Effectivement, l’utilisation de boîtes Vibert partiellement obstruées réduit le flux hydraulique à l’intérieur et par conséquent l’oxygénation des œufs. Le nombre d’œufs dans la boîte peut être réduit pour éviter aux œufs morts de contaminer l’ensemble des œufs se trouvant autour.

Même si des améliorations peuvent encore être apportés au protocole, l’étude a tout de même mis en avant une augmentation du colmatage sur les deux cours d’eau. Le colmatage se traduit par le dépôt et l’infiltration de sédiments fins minéraux qui viennent de ce fait combler les interstices du dôme dans lequel se trouve les œufs altérant ainsi leur bonne oxygénation.

Ces résultats démontrent une dégradation marquée entre 2007 et 2021 de ces 2 cours d’eau puisque les résultats de survie sont en chute libre et remettent totalement en question la bonne évolution de la truite fario, notamment sur la Selle. La modification des sols déjà initiée en 2007 avec une forte présence des parcelles en grande culture n’a pas radicalement changé depuis. En revanche la répartition des types de culture a changé avec une baisse des surfaces en blé au profit des cultures de pomme de terre et de betterave. Or ces pratiques culturales changent complètement le couvert végétal des terres, et sont plus propices à l’érosion des sols et le transfert de terre directement aux cours d’eau en fond de vallée et donc un colmatage des frayères à truite fario.

Notons qu’en parallèle, une étude sur le bassin versant amont de la Selle vient d’être lancé et vise à identifier les principales arrivées de matières en suspension du bassin et de proposer des techniques de réduction de cette pression.

L’étude a également permis d’apprécier l’intérêt et l’importance des petits affluents pépinières dans la pérennité de l’espèce truite fario, orientant à l’avenir certaines opérations de préservation voire de restauration.