Le suivi biologique du Barbeau pour l’évaluation des travaux de restauration de la continuité écologique (59)

Le lancement de la mise à jour du Plan Départemental de Protection du milieu aquatique et de Gestion des ressources piscicoles (PDPG) du département du Nord en 2015, a permis d’identifier des lacunes concernant la connaissance des peuplements piscicoles des contextes intermédiaires. Jusque là les efforts étaient concentrés sur les espèces repères truite fario et Brochet, mais qui sur l’Helpe majeure et mineure (affluents de la Sambre) demeurent des espèces marginales au regard des cyprinidés rhéophiles et en termes de localisation spatiale assez restreinte. De fait l’évaluation des opérations de restauration au travers de ces 2 espèces n’aurait pas été pertinente avec une très faible réponse biologique attendue.

Etude Barbeau : suivi biologique

C’est dans ce contexte qu’une étude spécifique au Barbeau fluviatile (Barbus barbus) a été initiée en 2015, afin d’évaluer l’état de conservation de cette espèce qui a vu son aire de répartition fortement réduite depuis le 19ème siècle. L’objectif était de recenser l’intégralité des plats courants favorables à la reproduction de l’espèce, d’évaluer la faisabilité d’un suivi de la reproduction et du recrutement par échantillonnage estival des nurseries pour les juvéniles.

Les 2 Helpes classés en liste 2 au titre du L214-17 (obligation pour les propriétaires de moulins d’assurer la libre circulation des espèces piscicoles et des sédiments) ont fait l’objet de plusieurs projets de restauration de la continuité écologique (RCE) entre 2014 et 2015, de la part du Syndicat Mixte d’Aménagement et d’Etude des Cours d’Eau de l’Avesnois (SMAECEA).

En parallèle de cette étude sur le Barbeau, des stations d’inventaires complets par pêche électriques avaient été définies en partenariat avec l’Agence de l’Eau Artois Picardie et le SMAECEA, avec comme objectif de suivre le gain écologique des opérations menées sur ces cours d’eau notamment les travaux RCE. L’analyse des indicateurs d’état du peuplement piscicole (notamment l’Indice Poisson Rivière utilisé dans l’évaluation de l’état écologique des cours d’eau au niveau Européen) ne permet pas de mettre en évidence un gain écologique des opérations de restauration, la raison principale est liée au fait que les 2 Helpes sont des cours d’eau naturellement fortement diversifiés en espèce (Une trentaine d’espèces présentes), alors que le modèle attendrait beaucoup moins d’espèces…Difficile dans ce cas là de justifier de l’intérêt des travaux que l’on sait crucial pour les espèces néanmoins.

Niveau d'analyse et évolutions positives

C’est donc à un niveau d’analyse plus fin que nous avons pu identifier des évolutions positives. Au niveau de la communauté des cyprinidés rhéophiles (Barbeau fluviatile, Chevesne, Vandoise, Spirlin, Hotu, Goujon et Vairon) ; ensemble d’espèces repères des contextes intermédiaires, dès la première année après les travaux RCE sur l’Helpe majeure, nous avons pu noter une augmentation significative des densités en vairon, et un maintien des densités en barbeau jusque-là fluctuantes, premiers résultats intéressants.

 

Figure : Crédit Photo – FDPPMA 59 – Pêche d’inventaire

Au niveau de l’analyse de la population de Barbeau spécifiquement et après 8 années de suivi, les premiers résultats sont très intéressants. Le suivi annuel réalisé sur le recrutement en juvénile de Barbeau nous a permis d’identifier les points de blocage de cette espèce en matière d’accès aux zones de reproduction, alors que cette espèce peut effectuer annuellement des migrations de l’ordre de 20km. Sur l’Helpe majeure les derniers ouvrages non aménagés (Moulins de Ramousies et de Liessies) limitent la population dans la partie amont de ce cours d’eau. Les résultats sont encore plus significatifs sur l’Helpe mineure, là où le moulin de Grand-Fayt et surtout le moulin de Cartignies bloquent la migration amont de cette espèce vers les zones de reproduction (avec 80% de frayères potentielles inaccessibles). Cette information est particulièrement importante pour orienter le SMAECEA sur les opérations prioritaires à mener.

Enfin, l’analyse des classes de taille des individus laisse entrevoir un début de modification de la structure de la population avec l’apparition d’individus, absents avant travaux. Ce phénomène de goulot d’étranglement déjà observé en Belgique sur des populations de Hotu ou sur le Haut Rhône et la rivière Lee en Grande Bretagne sur cette espèce, semble être expliqué par l’impact des barrages. Le blocage de la migration amont des jeunes géniteurs et en dévalaison des plus gros, entraine une occupation des habitats des jeunes par les plus gros chassant ces derniers. Avant les travaux RCE, ce goulot d’étranglement était visible par l’absence d’individus de taille comprise entre 290 et 490mm.

Le Barbeau : un bon indicateur de suivi

L’hypothèse alors émise était, si l’impact des ouvrages explique ce phénomène observé, après les travaux RCE, ce goulot d’étranglement devrait petit à petit se combler. 7 années après travaux, les premiers résultats parlent d’eux-mêmes avec le retour d’individus alors absents de la population et représentant à ce jour 10% de la population en place. L’impact des ouvrages semble être effectivement avéré sur la structure de taille de la population de Barbeau, et les travaux RCE permettent de lever cette pression, à l’origine du déclin de la population de Barbeau sur la Rivière Lee en Grande-Bretagne.

 

Toutefois, le cycle biologique du barbeau étant particulièrement long (maturité sexuelle de 4-5 ans pour les mâles, 6-7 ans pour les femelles), la réponse biologique n’est pas immédiate. Les jeunes géniteurs présents aujourd’hui correspondent seulement aux premiers juvéniles post travaux RCE, il faudra à notre sens encore attendre 1 voire 2 cycles biologiques (c’est-à-dire encore 10-12 ans !) pour voir la population se stabiliser. Ceci est sans compter d’éventuelles pollutions qui pourraient dans ce délai limiter cette réponse ou l’annihiler, dur souvenir d’une mortalité importante de barbeau cette année sur l’Helpe majeure à la suite d’une pollution à ce jour toujours inconnue…

Le Barbeau semble être un bon indicateur de suivi des opérations de restauration des cours d’eau des zonations intermédiaires.

Ces résultats ont fait l’objet d’une présentation par nos services lors des Journées Techniques Nationales (Colloque organisé par la FNPF), à Paris le 31 novembre dernier.